Mai à août 2010

Mai

8 mai 2010 - Singapour:

Un petit coucou de Singapour où je suis en transit (enfin, je vous rassure, tout va bien du côté intestinal). Le voyage s'est bien passé jusque-là, pas de retard, pas de nuage de cendres, pas de réacteur qui explose en vol. Il ne me reste plus que 4h30 de vol et je serai enfin à Darwin. En tout cas il fait très chaud ici (29 degrés) et l'air est très humide. Dommage que je n'aie pas accès à la tour de l'ordinateur sinon je vous aurais mis quelques photos d'arbres tropicaux. Enfin ils sont quand même très forts ces chinois de mettre des accès internet gratuits dans leurs aéroports. 

9 mai 2010 - Darwin:

Ça y est, après un long voyage je foule enfin le sol de Darwin. Rien à signaler du côté des vols, tout s'est bien déroulé. Je suis en ce moment même à l'auberge de jeunesse "Maleleuca on Mitchell" (ou quelque chose comme ça) ou je devrais normalement rester jusqu'à samedi matin. C'est une auberge de jeunesse qui a l'air très bien avec piscine, spa, billard... et située en plein centre-ville. En plus mes copains de chambrée sont sympas: il s'agit d'un irlandais de 27ans qui est là depuis 3 mois et qui prévoit de faire le tour de l'Australie en moto, et d'un couple d'anglais (enfin ils s'en vont demain donc je ne les verrais pas très longtemps). Après une bonne nuit de repos, je commencerai dès demain à faire tout le nécessaire pour être prêt d'ici samedi.

14 mai 2010 - Darwin:

Et bien voilà, après le départ fictif donné il y a environ une semaine de cela, le départ réel est prévu pour demain aux aurores. En effet, j'ai tout juste eu le temps d'effectuer les démarches administratives et d'acheter le matériel nécessaire. Cela n'a pourtant pas été facile car la plupart des magasins ici ferment à 17h.

A côté de cela, j'ai eu un peu de temps pour me faire une première impression de l'Australie et de ses habitants. J'ai ainsi eu l'occasion d'admirer la faune et la flore locales, de me balader sur les marchés, de gouter du kangourou... Et puis les australiens sont des gens très amicaux qui saisissent la moindre occasion pour engager la conversation. Je les comprends de mieux en mieux mais j'ai encore du mal avec les vieux australiens ayant un chapeau en dents de crocodile sur la tête et qui ont un accent tellement fort qu'il m'arrive de me demander s'ils parlent vraiment anglais. Enfin plusieurs personnes m'ont dit que je parlais bien pour un français qui n'est là que depuis quelques jours (je pense que c'est un compliment). Mais le mode touriste est maintenant terminé et il va falloir se mettre à l'exercice physique.

Je pars donc demain de Darwin en direction de Jabiru, petite "ville" de 1100 habitants située dans le parc national du Kakadu. Pour l'anecdote, c'est dans ce parc qu'a été tourné Crocodile Dundee (enfin sauf les scènes qui se passent à New-York). Environ 280 kms séparent ces deux villes. Cela me permettra de prendre la mesure de mon vélo et d'équilibrer au mieux mes sacoches afin d'éviter de tomber dans les fossés. La bonne nouvelle dans ce début de voyage est que je ne risque pas vraiment de me perdre puisqu'il qu'il n'existe qu'une seule route goudronnée. La mauvaise nouvelle est qu'il y a entre 80 et 100kms qui séparent les villages (ou les stations essences). Il faut donc que je prévois beaucoup d'eau (j'en ai 9L pour le moment) et que j'appuie plus fort sur les pédales. Mais bon, il va falloir que je m'y habitue car cela devrait durer les 1500 prochains kms jusqu'à Cairns.

19 mai 2010 - Jabiru (parc national du Kakadu):

Un petit message de Jabiru où je me suis accordé une après-midi de repos. C'est un petit village de 1100 habitants perdu au milieu de l'immense parc national du Kakadu mais qui possède quand même une banque, un supermarché, une piscine olympique, une agence de voyage, une école, une librairie et même un accès internet. Autant dire qu'il ne doit pas y avoir beaucoup de chômage ici.

Le chemin pour arriver à Jabiru s'est bien passé. J'ai suivi la Stuart highway puis la Arnheim highway qui m'ont conduit directement ici après 296 kms d'effort (les highways sont l'équivalent des nationales en France). Les routes dans cette partie de l'Australie sont loin d'être saturées, environ 1 voiture toutes les 2 à 3 minutes. Enfin il faut quand même faire attention aux "road train", camions à 3 remorques, qui produisent une bourrasque chaque fois qu'ils me doublent. Malgré les 296 kms parcourus, le paysage n'a pas beaucoup évolué. C'est toujours les mêmes lignes droites de 4 ou 5 kms avec la jungle sur le côté de la route. Contrairement à ce que je pouvais penser, la route n'est pas aussi déserte. Tous les 40 kms environ, il y a des stations ou je peux recharger mes bidons, manger et camper. Enfin j'ai quand même dû passer une nuit en camping sauvage sur un parking pour camions. Je peux vous dire qu'à la tombée de la nuit j'ai fermé la tente et je ne l'ai plus ouverte jusqu'au petit matin, de peur qu'un serpent ou un crocodile ne vienne me rendre visite. 

26 mai 2010 - Katherine:

Je profite de ce jour de repos après 10 jours à pédaler et 760 kms parcourus pour mettre à jour le site.

Je suis actuellement à Katherine, troisième plus grande ville du territoire du nord avec 11 000 habitants. Les derniers jours ont été riches en visites. J’ai ainsi pu découvrir tout ce qui fait la caractéristique de la forêt tropicale dans laquelle je me trouve, c’est-à-dire les cascades d’Edith falls et les gorges de Katherine situées dans le Nitmiluk national park, les peintures aborigènes de Nourangie rock dans le Kakadu national park ainsi que les crocodiles et autres animaux qui peuplent ces lieux. Ces nombreuses visites ont d’ailleurs occasionné pas mal de détour, ce qui explique pourquoi la distance parcourue est 1/3 supérieure à celle prévue au départ. Ces 10 premiers jours ont également été l’occasion de faire beaucoup de rencontres. Le fait de voyager seul à vélo intrigue et les gens viennent d’eux-mêmes me parler ou m’offrir quelque chose. Je peux ainsi compter sur un repas gratuit tous les 3 jours, c’est toujours bon pour l’estomac et pour le porte-monnaie. J’ai aussi croisé d’autres cyclotouristes, dont un paraplégique qui est parti de Melbourne pour arriver à Darwin en pédalant avec les bras. Je vous assure que dans son cas l’expression « il a les bras aussi gros que mes cuisses » n’est vraiment pas exagérée. J’ai aussi rencontré dans un camping à Katherine un couple de cyclotouristes norvégiens qui emprunte le même trajet que moi pour se rendre à Cairns. Par contre ils ont un jour d’avance sur moi puisqu'ils ont pris leur jour de repos hier. Peut-être les rattraperai-je un peu plus tard (cela risque quand même d’être dur car ils ont déjà 11 000kms dans les jambes).

Maintenant, je m’apprête à mettre le cap plein sud pour les 700 prochains kms. Je vais ainsi pénétrer dans ce que les australiens appellent le «red center», une zone désertique s’étendant sur la partie centrale de l’Australie. Le paysage va donc radicalement changer, et le climat aussi. Alors que les températures rencontrées jusqu'à maintenant se situaient entre 25 et 35 degrés dans une atmosphère très humide, je devrais trouver dans le désert des températures chaudes la journée et froides la nuit. Bref, un tout autre visage de l’Australie dans lequel les mouches devraient succéder aux moustiques, une plaie en remplaçant une autre.

Juin

Tennant Creek - 4 Juin 2010:

Un nouveau mois a commencé et donc une nouvelle page pour ce site. Afin d’en rendre la lecture plus agréable et le graphisme un peu moins style “Allemagne de l’est”, je vais dorénavant ajouter des photos dans un diaporama.

Pour commencer avec cette bonne résolution, le l’évolution du paysage au cours des 700 kms séparant Katherine (photo du haut) de Tennant Creek (photo du bas).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Vous pouvez remarquer que la végétation est beaucoup moins dense et les arbres plus petits. Les kangourous, oiseaux multicolores, crapauds, serpents… qui étaient si nombreux jusqu’alors ont laissé leurs places aux termitières s’étendant à perte de vue entre les buissons et aux rapaces rodant dans le ciel. Le climat a aussi beaucoup changé, l’air très humide et chaud a été remplacé par un air beaucoup plus sec avec des nuits froides (aux alentours de 10 degrés) et des journées qui attendent patiemment l’arrivée du soleil pour daigner se réchauffer un tant soit peu. A cela s’ajoute un vent de sud-est de 8 m/s apparu il y a 7 jours et qui a rendu ces 700 kms encore plus longs.

En effet, je me rappelle d’un français rencontré à Darwin qui m’avait dit : « Ici, tu oublies tout ce que tu sais sur les distances ! ». Et je dois dire que je comprends maintenant beaucoup mieux ses mots. Les lignes droites d’une dizaine de kilomètres s’enchainent les unes après les autres et sont bordées par le bush qui s’étend à l’horizon. Les stations-services sont séparées par une centaine de kilomètres et il faut en compter 7 fois plus pour pouvoir relier 2 supermarchés. Dans un tel environnement, on apprend ce que le mot «patience» signifie et, lorsque le soir je plante ma tente entre 2 termitières à une cinquantaine de mètres de la highway, j’ai vraiment le sentiment d’être le seul homme sur terre. Mais je dois avouer que je trouve ces conditions assez plaisantes car, d’une part, je sais qu’elles ne dureront pas plus de 4 à 5 semaines, et d’autre part, cela permet d’expérimenter une vie totalement différente, loin de son confort et de ses préoccupations habituelles.

Mais même dans un univers si différent, les habitudes s’instaurent vite et se perfectionnent au fil des jours. Voilà donc mon emploi du temps :

6h-8h : Réveil, petit déjeuner, rangement du campement.

8h-11h30 : Vélo

11h30-13h30 : Déjeuner

13h30-16h30 : Vélo

16h30-20h : Installation du campement, lecture, diner, coucher

Les journées sont donc bien remplies du lever (6h30) au coucher (18h30) du soleil.

A part le bush, il n’y avait pas grand-chose à voir durant ces 700 kms. J’ai quand même fait un tour au très convivial au pub de Daly Water. Comme vous pouvez le voir sur la photo (diaporama), la décoration a un style très particulier avec des soutien-gorge, des casseroles, des blasons… accrochés au plafond. 

Cela a été pour moi l’occasion de gouter au barramundi, un poisson qui est la spécialité locale. L’autre « temps fort » de cette semaine passée a été la découverte des sources chaudes de Mataranka. Une eau à 34 degrés dans laquelle le courant nous emporte sur 200m au milieu de la forêt tropicale et des tortues.

Il faut aussi noter que j’ai rencontré pas moins de 12 cyclotouristes durant cette semaine. Il faut dire qu’il n’y a qu’une seule route reliant Katherine à Tennant Creek. Cela facilite nettement les rencontres. J’ai notamment revu sur Tennant Creek le très sympathique couple de norvégien dont je vous ai parlé la dernière fois. J’ai également retrouvé André, un danois, avec qui j’ai fait un peu de route juste après Katherine mais qui allait trop vite pour moi. Ils sont tous 3 repartis soit hier midi (pour les norvégiens), soit ce matin (pour André) ce qui me laisse une chance de les revoir à Mount Isa. Cette ville située à 680 kms de Tennant Creek est en effet ma prochaine destination. Je vais donc virer de cap et m’orienter plein est. Autant vous dire que la route sera toujours aussi déserte et qu’elle sera très longue, notamment à cause de ce vent de sud-est qui devrait s’intensifier dès demain (espérons que la météo australienne fasse des prévisions aussi exactes que la météo française). Les prochaines nouvelles devraient donc arriver dans 8 à 10 jours et être assez moroses car il y a peu de chances pour que je puisse regarder le premier match de la France dans la coupe du monde. Sauf si j’arrive à rallier, le 11 juin, le seul pub situé sur ma route. Il est à environ 500 kms d’ici.

Mount Isa - 12 juin 2010:

Me voilà à Mount Isa où les nouvelles ne sont pas du tout moroses car j'ai pu regarder le match Uruguay-France. Enfin il faut dire que ce résultat a été atteint après beaucoup de souffrances et de difficultés.

Beaucoup de souffrances d'abord pour parcourir en 7 jours les 665 kms qui me séparaient de Mount Isa, et cela avec le vent pile de face (je parle de cyclisme, pas du jeu de hasard avec une pièce de monnaie). Je suis en train de chercher un qualificatif pour décrire ce maudit vent mais j'ai du mal à en trouver. En effet, il n'y avait pas plus désespérant que de croiser à la mi-journée des cyclistes qui avaient parcouru deux fois plus de distance que moi et qui paraissaient frais comme des gardons alors que j'étais couché sur mon vélo avec la langue pendante jusque dans les rayons. En temps normal j'aurais levé le pied mais je savais qu'il fallait que je fasse absolument mes 100kms par jour pour voir le match. Je crois que la journée la plus désespérante a été mardi quand j'ai traversé ces longues plaines d'herbes brulées par le soleil et destinées à l'élevage. Comme vous pouvez le voir sur la photo ci-dessous, le décor était vraiment magnifique mais je ne pouvais m'empêcher de maudire cette absence d'arbres et de relief qui auraient pu casser ce vent.

Et puis j'avais peu d'espoir qu'il s'arrête un jour étant donné que je croisais régulièrement des pancartes sur le bord de la route indiquant "Attention: le vent de face augmente la consommation de fuel". J'aurais voulu ajouter sur la pancarte qu'il augmentait aussi fortement la consommation de mes nouilles instantanées qui fondaient comme neige au soleil quand j'allumais mon réchaud pour le diner. Et puis je ne vous ai pas encore parlé de ces pancartes vertes qui, tous les 10kms, indiquent la distance restante jusqu'à la prochaine ville (ou jusqu'au prochain territoire dans le cas de la photo ci-dessous). Quand j'étais sur le petit plateau et que je voyais qu'il me fallait 55 minutes pour parcourir ces 10kms, c'était assez démoralisant.

Et puis, il n'y a rien à visiter sur cette route et j'ai vraiment commencé à trouver le temps long quand j'ai croisé une pancarte qui interdit la pratique de mes deux passes temps favoris.

Le seul fait marquant a été l'entrée dans le territoire du Queensland. J'en ai donc fini avec le territoire du Nord. Ce passage de "frontière" a d'ailleurs été marqué par un décalage horaire de 30 minutes. Ainsi, j'ai maintenant 8h d'avance sur vous dans la journée. Cela veut dire que, quand vous arrivez au travail à 9h, je suis de mon côté en train de planter ma tente et à regarder le coucher de soleil. J'en connais qui vont rager en lisant cela lundi matin.

Enfin, malgré tout cela, j'ai réussi à rejoindre Mount Isa en 7 jours. A mon arrivée dans la ville, j'ai eu la chance de croiser André, mon ami danois. Lors du diner, il a eu l'occasion de m'expliquer qu'il a dû faire les 200 derniers kilomètres en voiture car son réchaud a cassé. Et comme vous aurez pu le comprendre avec ce que je vous ai raconté plus tôt, il est impossible de faire du vélo ici sans avoir sa ration quotidienne de pates. En tout cas, cela m'a fait très plaisir de le revoir. En effet, c'est bon de voir la même personne plusieurs jours. Cela permet des conversations plus variées que celles que l'on a 2 ou 3 fois par jour avec les automobilistes et qui reviennent toujours à répondre aux mêmes questions. Pour les curieux voila une photo d'André.

J'en viens maintenant à l'essentiel. Ce matin nous nous sommes donc tous les 2 mis en quête de trouver un pub où regarder le match. Et c'est là que les vraies difficultés ont commencé. En effet, nous avions compris qu'il était impossible de regarder le direct à 4h30 du matin car aucun pub n'a de licence pour ouvrir si tard (ou si tôt) et nous avions prévu de regarder la rediffusion à 10h. Mais nous n'avions pas prévu qu'il faudrait visiter 4 pubs différents avant d'en trouver un qui possède la chaine sur laquelle le match était diffusé. Du coup nous avons loupé la première mi-temps mais cela s'est bien fini puisque nous avons pu assister à la deuxième mi-temps avec une bière à la main. Dommage que la France n'ait pas gagné.

Normanton - 18 juin 2010:

Bon, je suis désolé pour les fans de foot mais je n'ai pas pu regarder le match France-Mexique. La rencontre surprise que j'aie faite 50 kms après Mount Isa m'en a malheureusement privée. En effet, alors que j‘étais en train de manger sur le bord de la route, j'ai vu passer le couple de norvégiens que j'avais perdu de vue depuis Tennant Creek. Bien qu'ils soient partis 1 jour et demi avant moi de Tennant Creek, ils m'ont dit que ce vent de face sur 700 kms les avait épuisés et ils ont pris 3 jours de repos à Mount Isa. Nous avons donc profité de cette rencontre fortuite pour faire ensemble les 70 kms restants avant d'atteindre Cloncurry. Cette route nous a vraiment ravis grâce à ses nombreuses collines qui permettaient de couper le vent et qui rendaient le paysage totalement différent des longues lignes droites qu'on avait connu jusqu'alors.

Arrivé à Cloncurry, nous avons retrouvé André qui était parti quelques heures avant moi de Mount Isa. Nous avons donc passé la soirée ensemble à discuter. Chose assez incroyable, les norvégiens et les danois se comprennent quand ils parlent et d'après ce qu'ils m'ont dit, il y a juste une différence d'intonation entre ces deux langages. Bref, après cette découverte pour moi, nous avons regardé le Danemark se faire battre 2-0 par la Hollande ce qui a fortement attristé André qui est un grand fan de foot.

Le lendemain, il a fallu se séparer en sachant cette fois que l'on ne se reverrait plus sur les routes australiennes. En effet, tous les 3 ont continué leur route vers le sud-est en direction de Rockhampton alors que j'ai mis le cap vers Normanton, ville située à 400 kms au nord de Cloncurry. La route pour y accéder est vraiment très typique de l'Outback et je me croyais au milieu de nulle part quand la partie goudronnée se réduisait sur une seule voie durant plusieurs dizaines de kilomètres, obligeant ainsi les véhicules à se croiser dans un nuage de poussière, tout cela bordé par ces « champs » de termitières qui me faisaient vraiment penser aux cimetières de guerre américains. La route était d'autant plus agréable que j'ai eu le vent dans le dos les 2 premiers jours et que je sentais l'air se réchauffer au fur et à mesure que je progressais vers le nord.

 

Je suis maintenant à Normanton où j'ai pris un après-midi de repos. Je remets le cap vers l'est dès demain matin en direction de Georgestown ou j'espère pouvoir y regarder le match France-Afrique du sud dans 4 jours. Enfin je ne veux pas être pessimiste mais je viens juste de regarder les résultats et les espoirs de qualification semblent minces.

Cairns - 28 juin 2010:

De même qu'il n'y a pas eu de miracle pour l'équipe de France, il n'y a pas eu de miracle pour moi non plus. Dès que j'ai repris la route vers l'est, le vent de face a de nouveau décidé de me rendre la tâche difficile. J'ai ainsi passé les 400 premiers kilomètres suivant Normanton à l'insulter de tous les noms français et anglais. Puis les collines sont apparues et ce fut le grand changement. Les lignes droites absolument plates et s'étendant à l'infini ont laissé place aux virages sinueux enlaçant les collines. Les quelques buissons sur le bord de la route ont été remplacé par de gigantesques arbres tropicaux. Le ciel constamment bleu s'est couvert d'un épais brouillard laissant échapper une pluie fine. Le passage de la "Great dividing range", cette chaine montagneuse longeant la côte Est est souvent prise comme référence pour séparer l'authentique bush de la touristique côte Est, a donc révélé un tout autre visage de l'Australie. Il m'a fallu endurer 3 jours à appuyer forts sur les pédales en étant trempé jusqu'aux os et avec des températures pas très élevées. Un peu plus et je me serais cru en Ecosse. Mais au moins cela a calmé en grande partie le vent.

 

Après une descente qui a paru interminable pour mes doigts et mes freins, j'ai rejoint Cairns (après plus de 3 200kms depuis mon départ de Darwin). J'avoue qu'après plus de 1 mois et demi passés dans le désert, cela m'effraie un peu d'être dans une grande ville avec tous ces gens, toutes ces voitures, tous ces magasins et restaurants. Il va falloir que je me réhabitue petit à petit à la civilisation, si toutefois j'y ai été habitué un jour. J'ai rasé ma barbe de 10 jours et lavé mes jambes d'africains comme je les appelle vu leur couleur noirâtre, ce qui est déjà un bon début.

Je suis maintenant en train de me demander ce que je dois faire. Si je continue à aller à ce rythme vers le sud, je vais très vite me retrouver en plein hiver, ce que j'aimerais éviter. Je pense donc que la meilleure solution est de m'arrêter 2 ou 3 mois pour travailler. Je vais probablement rester quelques jours sur Cairns pour essayer de trouver de quoi m'occuper. Et si ça ne marche pas, je reprendrai la route vers le sud en direction d'Ayr ou de Bowen ou j'aurais de fortes chances de trouver du travail dans le ramassage de fruits.

Juillet

 

Ayr - 10 juillet 2010:

Voilà un petit moment que je n'avais plus donné de nouvelles. Je vais donc essayer de mettre tout ça à jour.

Pour faire court, mon séjour sur Cairns s'est bien passé. En effet, même si Cairns est une ville très commerciale avec un nombre infini de magasins, il y a quand même pas mal de choses à faire, notamment aller plonger sur la grande barrière de corail. J'ai ainsi embarqué 2 jours à bord du "Rum Runner" pour aller découvrir la huitième merveille du monde selon les australiens. Et il faut dire que je les rejoins sur ce point. En effet, au cours des 4 séances de masque et tuba et de la séance de plongée effectuées, j'ai pu admirer les poissons multicolores, les coraux, les raies, les tortues, les requins... Tout un monde caché qu'on n'a pas souvent l'occasion d'apprécier mais qui vaut vraiment les 280 dollars australiens dépensés. Cela a été pour moi l'occasion de faire un baptême de plongée. Je dois avouer que c'est assez impressionnant d'avoir tout ce matériel sur le dos et de se dire que notre vie tient seulement au tuyau que l'on garde très serré entre les dents. Au début ce n'est vraiment pas facile de se diriger là où on le souhaite et je pense avoir été responsable de la mort de plusieurs coraux tués à grands coups de palmes. Mais à force on s'y habitue et cela devient assez marrant. Et puis ce voyage était très sympa car il y avait 4 membres d'équipage pour 7 plongeurs en herbe. On avait tous les conseils possibles et l'ambiance était très bonne. Bref, cela restera un très bon souvenir et maintenant je peux rayer la mention "plonger sur la grande barrière de corail" sur la liste des choses que je dois faire dans ma vie.

 

Ah oui, c'est vrai que j'avais dit que je profiterai d'être sur Cairns pour chercher du travail. En fait mon enthousiasme a très vite disparu après avoir écumé les "médical centre" (laboratoires d'analyses médicales), les restaurants, les backpackers... pendant deux jours et n'avoir obtenu que des réponses négatives. Il faut dire que je n'étais pas vraiment motivé car la vie de cycliste est vraiment très peu onéreuse. Pour information, il faut compter par mois environ 400 dollars australiens pour la nourriture et 80 dollars australiens de camping plus les extras. Et je me suis vite rendu compte que j'en aurais pour très cher de camping si je restais sur Cairns à chercher du travail durant plusieurs jours voire plusieurs semaines. J'ai donc décidé de reprendre ma route vers le sud et de chercher du travail en chemin. Ainsi, je vais demander aux fermes et aux "médical centre" que je trouve sur la route s'ils ont du travail pour moi. Pour l'instant, je n'ai eu que des réponses négatives.

La route de Cairns jusqu'à Ayr ou je me trouve en ce moment s'est bien passée. J'ai eu beaucoup de pluie les 4 premiers jours. Il faut dire que je suis passé à Babinda qui, presque tous les ans, reçoit le prix de la ville la plus pluvieuse d'Australie. Cela permet ainsi aux champs de cannes à sucre et aux plantations de bananiers de se développer.

 

 

J'ai également fait pas mal de détours pour admirer les plages de sable blanc. L'une des plus connues d'entre elles est certainement "mission beach" où la forêt tropicale descend jusqu'à la mer. Enfin, c'est assez frustrant, il est interdit de se baigner sur la plupart de ces plages à cause des méduses mortelles et des crocodiles et probablement des requins aussi, sans oublier les "stone fish".

 

J'ai rencontré en chemin Remco, un hollandais qui fait Cairns - Sydney à vélo et qui récolte en chemin des fonds contre le cancer. On a fait la route ensemble durant une après-midi mais il n'a pas de matériel de camping et dort dans les campings ou backpackers. C'est donc assez difficile de voyager ensemble mais je le reverrai probablement sur la route étant donné que l'on roule à peu près à la même allure.

Ayr - 19 juillet 2010:

Et oui, je suis toujours à Ayr. Ce n'est pas que je sois devenu très lent ou que mon vélo ait eu un problème (pas encore) mais j'ai finalement trouvé du travail. Contrairement à ce que m'avaient dit plusieurs français rencontrés à Ayr, cela a été plutôt facile. En effet, après avoir essuyé seulement un refus dans la première ferme où je me sois arrêté, la deuxième tentative fut fructueuse. Cela fait donc une semaine que je me suis reconverti dans le métier de fermier. Pour l'instant l'exploitant ne m'a pas précisé combien de temps il souhaitait me garder et j'attends donc qu'il me vire pour reprendre la route. Mais je pense que je risque d'attendre longtemps car il y a pas mal de travail ici. Nous venons en effet d'enchainer 7 jours d'affilé avec 8 heures de travail par jour. Le travail dans cette ferme est assez fatigant car il y est cultivé des courges, des aubergines et des piments doux (poivrons), autrement dit que des légumes qui poussent sur le sol par définition. Nous passons donc notre temps cassés en 2 à désherber, à mettre de nouveaux plants en terre ou à faire du "picking" (ramassage) comme ils disent ici. Mais l'ambiance est très sympathique. C'est une ferme familiale de 100 Ha environ (250 Acres). Des arbres fruitiers (manguiers) sont plantés sur une partie de la surface. Pour l'instant, en plus des propriétaires, il y a 3 autres jeunes étrangers comme moi qui travaillent à la ferme. Il s'agit de 2 irlandais et d'un canadien anglophone qui ont tous à peu près mon âge. Je m'entends très bien avec eux et comme ils sont assez bavards (un peu trop du gout du fermier), je vais bien pouvoir travailler mon anglais. En plus, le fermier a eu la gentillesse de me laisser planter ma tente à coté de sa ferme avec accès aux installations sanitaires, toilettes et douche, communes à tous les employés. 

Tout va donc pour le mieux et s'il y a assez de travail pour moi, je pense rester le temps de laisser passer l'hiver. Cela me permettra aussi de gagner un peu d'argent pour la suite du voyage.

Août

 

Ayr - 08 août 2010:

Cela fait un petit moment que je n'ai pas donné de nouvelles mais c'est parce qu'il n'y en a pas vraiment. Je travaille toujours à la ferme où je passe mon temps a planter, désherber et ramasser courges et piments doux. Pour information, ce travail est payé 18.51 $/h brut (12.8 euros) soit 16.13 $/h net (11.2 euros). C'est donc loin d'être aussi bien payé qu'en Suisse mais comme nous travaillons 48h par semaine, cela permet d'économiser pas mal d'argent. En plus, ma tente est toujours plantée à côté de la ferme donc pas de frais de logement ni de transport. Enfin il faudra voir si cela est toujours aussi rentable quand j'aurai payé l'opération pour me redresser le dos. Le seul changement depuis la dernière fois est l'arrivée de 4 nouveaux employés à la ferme. Il s'agit de 2 hong-kongais, d'une anglaise et d'un français originaire d'Annemasse. Depuis leur arrivée, l'ambiance est encore plus sympa qu'avant. Un des hong-kongais est un vrai clown et on s'amuse bien.

Avec tout cela le vélo est en train de prendre la poussière. J'essaye quand même de garder un minimum d'entrainement en roulant 80 kms tous les dimanches. Cela est d'ailleurs l'occasion de me ravitailler en nourriture car le supermarché le plus proche est situé à 40 kms de la ferme. Fait d'ailleurs assez extraordinaire, j'ai rencontré sur la route dimanche dernier un cyclotouriste dont la tête m'était connue. Je l'avais en effet déjà vu en photo avant mon départ sur un blog créé par 3 français qui avaient fait la côte Est à vélo il y a 5 ans de cela et qui avaient eux aussi rencontré ce cyclotouriste d'origine australienne. Cela a été l'occasion d'engager la conversation et j'ai ainsi pu admirer son vélo qu'il a perfectionné au cours de ses nombreux voyages. Il a ainsi bricolé une selle montée sur ressort, une cale qui évite que le guidon parte dans tous les sens quand il roule sur les petits chemins, un système pour transporter 40 litres d'eau... Dommage que je n'avais pas mon appareil photo sur moi à ce moment. Cela aurait permis de continuer la chaine.

En résumé, tout se passe bien ici. Je compte rester à la ferme jusqu'à début septembre et ensuite je reprendrai la route en direction de Melbourne.

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